[Récit de concert] 04/04/2015 : Muckrackers VS Ferbotten @ Zo Prod

Les rendez-vous proposés par Zo Prod sont plutôt incontournables dans le ““paysage alternatif pictavien””, d’autant qu’ils n’ont pas lieu tous les mois. Car lorsque l’asso ouvre ses hangars au public, c’est toute sa conception de la culture qui s’expose à ciel ouvert, à travers la musique bien sûr, mais aussi la sérigraphie, le spectacle vivant, les arts plastiques, etc. Un paysage métallique et rouillé sort alors de terre et accueille un public bigarré navigant parmi les différents acteurs de ces bric-à-bracs, à la lumière des braseros, sous le regard fixe des statues de ferraille, vestiges d’une société industrialisée démantelée. Un rapport à l’atelier, la machine, le travail des matériaux qui ne pouvait que conduire les poitevins à s’intéresser à la démarche des Muckrackers, dont la situation géographique et ce qu’elle implique en des termes plus sociopolitiques ne pouvait qu’être imprégnée par la culture du marteau(-pilon).affiche muckrackers

  • Muckrackers VS Ferbotten : D’un côté, un collectif lorrain qui exprime son attachement au passé industriel de leur région à travers le courant musical du même nom dans ce qu’il compte de plus bruitiste, à la mesure de la puissance dévastatrice d’une coulée de fonte. De l’autre, une compagnie locale dont les ouvriers naviguent de plateforme en plateforme au sein d’une structure métallique, pour écrire une symphonie mécanique déstructurée avec pour instrument central l’environnement déshumanisé de l’usine, auquel on redonne une seconde vie plus organique. Au milieu, une obsession commune pour le métal (avec un accent, donc pas le genre musical), ceux qui le travaillent, et quelques mots-clés comme « Fer! Fonte! Acier! », « Fer Enfer » ou « Les Forges Alliées ». Que pouvait-on donc attendre d’une telle collaboration? Pour ma part, je misais plutôt sur une addition de type la structure imposante de Ferbotten dans la cour en ouverture, et le harsh-noise assourdissant des Muckrackers sur la scène en clôture. De fait, la mise en commun a démultiplié les possibles et abouti sur une création à part entière, aussi magnifique qu’imposante. Pas de structure cette fois-ci : quoi de mieux que l’atelier de Zo et l’outillage présent in situ pour laisser libre cours à la fresque métallurgique née de l’alliage de deux visions de l’indus’, convergentes sur le fond, divergentes sur la forme? L’ambiance est posée alors que le public pénètre petit à petit le hangar sous les avertissements d’une voix robotique enjoignant en boucle les visiteurs à faire attention, aux yeux, aux mains, et surtout aux oreilles.
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Muckrackers (Crédits : Licence CC-BY-NC-SA par Jö)

Car si pour le moment, la pénombre se voit seulement fendue par la neige des écrans de contrôle détraqués, le fracas des machines ne devait pas tarder à briser le silence. Introduite par la dégringolade assourdissante d’une énorme citerne ainsi que par des chants de lutte venus tout droit d’une époque où les capitalistes ne revendiquaient pas encore leur victoire dans la lutte des classes, de peur de la perdre, la mise en route du spectacle nous transporte de la froideur sombre de la mine à la chaleur flamboyante du haut-fourneau, et annonce les couleurs : rouge et noir. Une métaphore colorée filée dans l’identité des protagonistes, entre activistes cagoulés et prolos en bleu de travail. Alors que les rythmiques martiales des Muckrackers s’abattent sur l’atelier comme un bras hydraulique bien huilé et soutiennent le grondement rauque des guitares, les acteurs de Ferbotten scient, percent, liment, meulent, martèlent, découpent et offrent une chorégraphie ouvrière mécanique à cette rapsodie vrombissante, accompagnés en cela par des mineurs postés sur les murs et des voltigeurs évoluant en hauteur. Entre Les Temps Modernes et Metropolis revisités à la sauce steam-punk, cette création originale sur fond d’indus’ noisy aura remis la sidérurgie à l’honneur, ce monde dur où se confrontent l’inertie froide de la machine et la fusion incandescente de l’acier, dont une coulée conclura d’ailleurs la représentation. De quoi faire monter la température à son paroxysme, avant de faire stopper la machine, et s’éteindre le fourneau, définitivement. Il y aura en effet peu de chances de revoir cette collaboration pictavo-lorraine en état de marche. Un peu comme une fonderie en Vallée de la Fensch.

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Ferbotten (Crédits : Licence CC-BY-NC-SA par Jö)


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